Il était une fois l’U.S.L
L’abbé Bertel vicaire à la Paroisse St Étienne à Rennes est affecté en 1955 à Tréverien. (il en sera le « recteur » pendant 32 ans !).
Très vite il s’est rendu compte que, lorsqu’il n’y avait pas d’école, les enfants étaient fort désœuvrés. Cherchant à les intéresser au sport, il installa d’abord un sautoir dans le jardin du presbytère. Il ajoutait un peu de course à pied, c’était bien mais cela restait limité.
C’est alors qu’il pensa à la gymnastique. Les jeunes Trévériennais semblaient intéressés mais il fallait des moniteurs, une salle, des agrès… Cela paraissait un peu utopique mais l’abbé n’était pas homme à se laisser abattre. Il s’ouvrit de son projet au curé de Saint Domineuc. Celui-ci mis à sa disposition la salle du patronage, installée dans l’ancienne école libre et peu utilisée. Les évolutions y seraient plus faciles que dans les pièces du presbytère de Tréverien ! Le curé de Saint Domineuc précisa pourtant qu’il ne voulait pas être mêlé à cette aventure « je ne veux pas en entendre parler ! » dit-il
L’abbé Bertel contacta alors des jeunes qu’il avait connus à Rennes lorsque, vicaire il s’occupait d’une société sportive « l’avenir ». Il sut alors convaincre les frères Marsollier, Yves et Bernard de se joindre à lui.
En 1956, il lança un appel dans son journal paroissial « Tréverien Éclair » : « J’ai constaté que, dans l’ensemble, les jeunes garçons sont bien bâtis, mais manquent de souplesse. M’étant longtemps autrefois occupé d’athlétisme et de gymnastique, j’ai pensé que cela pouvait être utile à Tréverien. Je veux donc bien faire un essai. Tous les garçons de 9 à 15 ans sont donc invités à venir le 4 octobre à 15 heures. Je leur expliquerai ce qui peut être fait, proportionnellement à leur âge et à leur force physique. Que les parents se rassurent. Il n’y a aucun danger dans ce sport qui peut être une fameuse éducation de la volonté en même temps que le départ d’un bon développement physique ». Les premiers enfants qui s’inscrivirent aux cours furent Henri Mingam, Alain Pérou, Joseph Thual, Bertrand et Monique Nivol.
Au 1er trimestre 1957, soit quelques mois après, la gymnastique se pratiquait à Tréverien et à Saint Domineuc. Les entraînements avaient lieu deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, sous la direction de l’abbé Bertel et des frères Marsollier. Au départ il n’y avait aucun agrès. « Nous avons récupéré une vieille barre parallèle à Dol, et certains parents nous avaient aidés à la réparer. Nous avions fabriqué une barre fixe avec un tuyau de chauffage. Quant à la poutre, elle avait été découpée dans un tronc d’arbre que la châtelaine de Saint-Thual nous avait donné ; c’était la scierie Thébault qui s’en était chargée, tandis que les pieds avaient été fabriqués par le forgeron du Gacet » dit l’abbé Bertel. Ce n’était là que du matériel sommaire et rudimentaire mais indispensable.
Le 10 mars, les enfants de Tréverien se produisirent pour la première fois en public, lors des entractes des séances théâtrales. Ils présentèrent des exercices simples, au sol et aux barres parallèles. Le public était étonné et ravi. Leurs moniteurs, les frères Marsollier, firent eux aussi une démonstration qui impressionna beaucoup. Pour couvrir les enfants toutes l’année des conséquences éventuelles de la pratique de la gymnastique, il convenait de s’affilier à la Fédération Sportive de France. Dans ce but, il fallait créer une association. Or il existait déjà officiellement un club consacré à la gymnastique : l’Union Sportive du Linon. Celui-ci avait été crée en 1942 suite à l’incitation « vigoureuse » du gouvernement du maréchal Pétain qui encourageait les communes à se doter d’organismes consacrés au sport.
L’USL avait été déclarée à la sous préfecture de Saint-Malo le 14 novembre 1942. Elle avait obtenue l’agrément du Ministre Secrétaire d’État à l’Éducation Nationale (N° 12.373 du 31 juillet 1944).
En fait, ce n’était qu’une structure théorique, une « coquille vide » qui n’existait que sur le papier pour faire grimper les statistiques. Aucun sport n’y avait jamais été pratiqué mais l’association existait et reprendre le nom avait l’avantage de supprimer la plupart des formalités administratives.
L’abbé Bertel retrouva les statuts de l’USL, à la sous-préfecture de Saint-Malo en avril 1957. Il décida de les utiliser en les modifiant quelque peu. Il déposa une demande et créa un comité provisoire sous la présidence de Léon Heuzé et lui-même étant le secrétaire de l’association. Léon Heuzé, boucher de Saint Domineuc devenait le 1er Président de l’USL.
Comme le prévoit la loi, les instances officielles ne donnèrent leur agrément qu’après 3 années de fonctionnement (agrément n°17.457 du 5 septembre 1960). Commune aux deux localités de Tréverien et Saint-Domineuc, l’USL se donnait pour but « de développer l’éducation et la formation physique, intellectuelle et morale de la jeunesse, et de créer entre tous ses membres des liens d’amitié, par la pratique de l’éducation physique, des sports et des activités culturelles ».
Par cette formulation volontairement assez vague, les dirigeants préservaient la possibilité de développement ultérieur de la société. Le siège était fixé au 15 rue Chemin des dames à Saint- Domineuc. Le terme de « patronage » disparaissait des statuts.
Il convenait aussi de concevoir l’écusson de la société. L’abbé Bertel y réfléchit. Il prit deux morceaux de tissu et les assembla. Le hasard voulut que l’un de ces tissus soit jaune et l’autre orange « j’étais en congé chez ma sœur à Montfort, j’ai appris ensuite que ces couleurs étaient celles de la Lorraine mais je l’ignorais lorsque j’ai choisi l’écusson » dit l’abbé.
A propos de la tenue du club, si les garçons se présentent toujours en uniforme blanc, les justaucorps des filles varient fréquemment en fonction de la mode.
Le 26 mai 1957 la première sortie officielle de l’USL pour le concours départemental de Dinard. Les jeunes garçons remportèrent un premier prix en division supérieure.
Dans le journal de la paroisse de Tréverien, l’abbé Bertel donnait quelques explications techniques : « la gym se divise en quatre degrés :
-1er degré : mouvement facile (débutant)
-2ème degré : mouvement moyen
-3ème degré : mouvement fort
– 4ème degré : mouvement très fort.
Une section qui présente des gymnastes dans tous les degrés concourt en « Excellence ». Celle qui présente des gymnastes dans les 3 premiers degrés concourt en « Supérieure » Celle qui présente des gymnastes dans les 2 premiers degrés concourt en « Première Série ». Pour cette année nous avons réussi à présenter 17 garçons répartis en 1er, 2ème et 3ème degrés, donc en division Supérieure. Il nous faudra encore un an de travail pour arriver au 4ème degré. Les points obtenus par chaque garçons sont totalisés pour toute la section et : 90 % des points donnent droit à un prix d’excellence (très rare) 85 % donnet droit à un prix d’honneur - 75 % un premier prix- 60 % deuxième prix, etc.
Conclusion : Nos garçons ont fait au moins 75 % des points dans une division déjà difficile pour eux. Ne croyez vous pas qu’ils méritent des compliments ? Personnellement je les leur donne bien volontiers, d’autant qu’ils ont eu, à chaque exercice, 19/20 et même 20/20 de présentation et de discipline. Je souhaite vivement qu’ils aient le courage de persévérer, mais aussi que de jeunes garçons (on ne parlait pas encore de filles !) viennent les rejoindre après les vacances, lorsque le travail d’entraînement commencera (qui ne prendra jamais sur le temps de classe).
Effectivement le nombre de gymnastes augmenta dès le mois d’octobre. Les jeunes filles de Saint-Domineuc regardaient avec envie les garçons s’entraîner. Certaines s’enhardirent et demandèrent à leur curé et à l’abbé Bertel l’autorisation de participer. Mais à l’époque, la mixité n’existait guère et il n’était pas envisageable qu’un homme (et un prêtre ! !) puisse entraîner les jeunes filles car cela supposait des contacts direct avec les corps. Il fallait recruter une monitrice.
Marie-Claude Feillel fut contactée. Elle était monitrice de colonie de vacances et à ce titre, elle avait participé à plusieurs camps de vacances que l’abbé Bertel avait organisés pour les jeunes de Rennes. En outre elle était monitrice aux Cadets de Bretagne. Elle accepta la redoutable mission de s’occuper des filles. Tous les garçons et filles de 9 à 15 ans de Tréverien et de Saint-Domineuc furent alors invités à participer aux entrainements. Ceux-ci avaient lieu une fois par semaine, le jeudi matin après le catéchisme pour les Trévériennais, de 15 à 17 heures pour les Docmaëliens.
L’USL était bien lancée. Il importait maintenant de la faire prospérer. L’abbé Bertel s’adressa une nouvelle fois à ses paroissiens dans Tréverien Éclair : « je demande aux parents de comprendre les bienfaits que ces cours de gymnastiques peuvent apporter aux enfants et de ne pas craindre les accidents qui sont extrêmement rares. De plus, je leurs affirme que ces cours ne gêneront en rien le travail scolaire : l’esprit est mieux équilibré dans un corps sain. Je demande aussi aux enfants de ne pas se décourager trop vite. Bien sûr, c’est difficile au début mais quand on a de la volonté, on sait s’accrocher, et alors, on arrive à des résultats…et on est bien content. Alors, les enfants, montrez que vous avez du cran et que vous ne vous laisserez pas aller seulement à votre fantaisie…et à la paresse ! »
Le 22 février 1958, 9 garçons et 14 filles prirent part aux championnats d’hiver. L’abbé Bertel fut ravi par les résultats obtenus. Il écrit dans « Tréverien Éclair » : « Sans vouloir jouer aux petits prétentieux, nous pouvons bien dire que nos enfants se sont taillés un beau succès, qui leur a valu, en public, les félicitations des jurés » ; Cette même année 1958, l’USL se présenta aux concours départementaux de : Bruz pour les filles le 25 mai. Elles finirent 1ère en division d’honneur (il y a 3 division : 1ère division, honneur et excellence). -Saint-Méen-le-Grand pour les garçons le 26 juin. Ils finirent 3ème avec un prix d’honneur en division supérieure (il fallait présenter des gymnastes dans les 3 premiers degrés).
L’abbé Bertel rappelait dans le journal paroissial «ces concours étaient organisés par la FSF (Fédération Sportive de France), organisme parfaitement indépendant s’adressant à « tous les jeunes désireux de développer leurs corps » . Il précisait en outre que « nos jeunes sportifs, garçons et filles, préparent déjà avec ardeur leur voyage et concours à Paris en juillet prochain ». Pour la circonstance tout le monde fut équipé de neuf et put ainsi « montrer aux parisiens » que les Provinciaux savaient « être élégants, avoir de l’allure et de la discipline » notamment lors du défilé du 6 juillet sur les Champs-Elysées.